L'histoire du Kompa

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À l’origine du Kompa, les grands ensembles musicaux

Au début des années cinquante, Port-au-Prince est une ville touristique, avec ses nombreux hôtels restaurants, casinos et boîtes de nuits. De grands ensembles musicaux fleurissent dans la capitale haïtienne, citons par exemple « L’orchestre Septentrional », « Edner Guignard and his El Rancho Hotel Orchestra » ou le fameux « Jazz des Jeunes ». Leur répertoire est varié et va de la meringue en passant par la musique afro-cubaine ou une musique plus occidentale ; la section rythmique s’inspire la plupart du temps des rythmes vaudou (Ibo, Petwo etc.).

Nemours Jean-Baptiste (né en 1914) et Weber Sicot (né en 1934) tous deux saxophonistes font partie de cette nébuleuse de musiciens. Le 26 juillet 1955 ils forment l’orchestre « Coronto International » avec les musiciens : Julien Paul,Monfort, Jean-Baptiste, Anulis Cadet, Mozard Duroseau et Edzer Duroseau.

Quelques mois plus tard Weber Sicot forme son propre groupe baptisé « Latino ». Nemours Jean-Baptiste se retrouve alors à la tête de l’orchestre qui deviendra peu de temps après l’« Ensemble Au Calbasse » (du nom d’un night-club de Mariani dans la banlieue sud de Port-Au-Prince) puis l’« Ensemble Nemours Jean-Baptiste ».

Il crée alors son propre style musical finalement plus proche du merengue de la république dominicaine que de la meringue haïtienne, qu’il nomme « Kompa Direct ». Le nombre de musiciens est ramené à l’essentiel, l’orchestre devient alors plus mobile et moins difficile à diriger.

Dès son origine, le Kompa est en décalage avec la musique folklorique haïtienne par ses influences, d’autant plus qu’il s’agit d’une musique urbaine dans un pays où la grande majorité de la population habite les campagnes. Il n’y a aucun lien avec le vaudou dans le « Kompa Direct »de Nemours Jean-Baptiste. Son mouvement est le fruit d’une volonté de renouveau dans la musique haïtienne de l’époque, c’est une musique volontairement positive, légère.

La génération des mini-jazz au milieu des années soixante

Au tout-début des années soixante de petits groupes yéyés naissent à Port-au-Prince, très influencés par le mouvement yéyé français, ce sont des orchestres aux noms évocateurs comme « Les Copains », « Les Blousons Noirs », « Les Chaussettes Rouges » ou « Les Mordus ». Ils représentent une génération en devenir, ce sont souvent les mêmes musiciens avec un peu plus de moyens matériels qui constitueront la vague des  « mini-jazz » quelques années plus tard. Le véritable succès du genre a lieu dans la deuxième moitié des années soixante.

La plupart des orchestres de « mini-jazz » étaient composés de deux guitaristes, d’une guitare basse, d’une batterie, d’un saxophone alto et d’un ou deux chanteurs. Musicalement, l’utilisation de guitares électriques donne un son plus rock, à la pointe même du genre, par l’utilisation habile d’effets sur les guitares notamment.

Le contraste entre le côté rock-yé-yé occidental et le travail inégalable du rythme (en chantier depuis le kompa direct des aînés), donne naissance à une musique originale et frénétique.

Le groupe Shleu-Shleu, composé d’excellents musiciens, sort largement du lot. Suite à son succès phénoménal, un nombre incalculable de groupes du même type, voire de véritables clones, ont proliféré à Port-au-Prince.

On peut citer quelques-uns de ces noms de groupes, dépourvus de sens mais aux sonorités se rapprochant du modèle, afin de bien illustrer le climat particulier de Port-au-Prince en ce début de décennie : Shoupa Shoupa, Shibo Shibo, Skah Shah, Sham Sham ou encore Volo Volo. Il en résulta également un nombre impressionnant de musiciens aux prétentions commerciales ; au début du « mini-jazz », chaque coin de rue avait son propre groupe.

Une vague musicale qui dépasse les frontières

Amplifiée par l’arrivée de la TSF, l’influence haïtienne sur la musique des Antilles françaises provoque l’abandon des musiques traditionnelles. Ceux qui ne possédaient pas de TSF se fabriquaient des postes à galène pour écouter ces groupes, et les maisons de disques refusaient d’enregistrer les musiques traditionnelles pour « faire du haïtien ».

Les musiciens antillais durent même fonder une association de défense des artistes locaux ! Les groupes haïtiens, grâce au succès du Kompa, exportent facilement leur musique très prisée par les organisateurs de bals, principalement en Martinique et en Guadeloupe, mais plus généralement dans l’ensemble des Caraïbes.

Avec les Ibo ComboTabou ComboDP ExpressFrère DéjeanCoupé ClouéSkah ShahBossa ComboMagnum BandSystem BandTropicanaGypsies de Pètion-VilleSeptentrional, la musique haïtienne exerce une véritable hégémonie dans les Caraïbes des années soixante-dix.

Le terme « Combo » utilisé par de nombreux groupes de Kompa vient de cette époque, et illustre bien cette volonté affichée de paraître moderne et international. Plus généralement, l’on peut aussi considérer que la diaspora a aussi contribué largement à l’exportation dans le monde entier du Kompa.

La stagnation des années quatre-vingt

La popularité du Kompa n’a jamais cessé dans le pays depuis sa création, notamment lors des carnavals, en revanche son hégémonie sur les Caraïbes cesse à la fin des années 1970. C’est alors à la Guadeloupe et à la Martinique d’inonder les ondes antillaises des années 1980 avec le Zouk et des groupes comme les AiglonsExile One, les Grammacks et quelques années plus tard …Kassav.

Rappelons cependant que le Kompa a considérablement influencé le Zouk et les musiques antillaises modernes. Bien que dans les années 1980 la musique haïtienne conserve son Kompa, celui-ci ressemble aux productions du reste des Antilles et perd du même coup cette force identitaire qui le caractérisait.

Qu’entend-on par Kompa aujourd’hui ?

Le terme de Kompa (ou compas, konpa) est utilisé de nos jours pour définir un style musical, mais il peut également définir chez certaines personnes l’ensemble de la musique contemporaine haïtienne. Il est donc impossible de parler de musique Haïtienne sans parler de ce fameux Kompa, aux frontières stylistiques de plus en plus vagues.

(Extraits Mémoire de Louis COLLIN)